vendredi, janvier 21, 2005

Clochard céleste

"Ce qui n'est pas déchirant est superflu, en musique tout au moins."
-Cioran.


" Candid music " à l’opéra…John Cage, Michael Gordon, Steve Reich, Morton Feldman ( ce dernier à écouter dans des transats au foyer, même ce lieu succombe à la tendance actuelle du nomadisme, relatif certes ) …Et Gavin Bryars en personne.

"jesus’ blood never failed me yet" ( 1970 ) est la phrase
[1] d’un mendiant et non un SDF ( et oui, à l’époque la terminologie déshumanisante politiquement correcte n’était pas encore passée par là ) croisé près de Waterloo Station lors du tournage d’un film d’Alan Power…
Gavin Bryars a improvisé un accompagnement au piano d’abord, puis avec un orchestre par la suite sur base de cette phrase répétée en boucle. La version entendue ce vendredi durait quarante minutes.

L’orchestration de Bryars souligne en pointillé la douce mélopée de cette voix belle à pleurer. On pense alors aux personnages de Selby, de Kerouac, et de tant d’autres…On pense aussi à Jeff Buckley pour l’extase et cette façon de tutoyer les anges.
Bref,contraste avec ce lieu académique, avec la froideur de la déconstruction musicale de Cage et consort.

Le fantôme de l’opéra était donc ce clochard céleste, mort avant d’avoir entendu ce qu’il a inspiré à Bryars.



[1] Jesus' blood never failed me yet
Never failed me yet
Jesus' blood never failed me yet
There's one thing I knowFor he loves me so